1-Enseignement de l’architecture : École des Beaux-arts, École spéciale d’architecture
Avant 1920, seules deux écoles enseignent l’architecture en France, sans qu’elles soient la seule voie pour exercer le métier d’architecte.
Au début du XIXème siècle, tour à tour Antoine Vaudoyer, François Debret et enfin Félix Duban s’attèlent à transformer et agrandir jusqu’au quai Malaquais l’ancien cloître des Petits-Augustins pour installer les locaux de l’École des Beaux-arts, qui abriteront des générations d’étudiants en architecture, certains venus des quatre coins du monde. Les travaux de ce palais, commencés trente ans plus tôt sur les plans de Duban, s’achèvent en 1867.
La toute puissante et hégémonique école des Beaux-arts, qui domine l’enseignement artistique et l’impose dans le monde, dont celui de l’architecture avec la création par Colbert en 1671 de l’Académie royale d’architecture, voit ses bases vaciller à plusieurs reprises au cours du XIXème siècle.
D’abord stable dans son enseignement avec des épreuves dotées de prix privilégiant grande composition et détail ornemental, des secousses sont apparues vers la fin des années 1850, comme en 1856 quand Henri Labrouste, ancien Grand prix de Rome, découragé par les échecs de ses élèves aux concours, renonce à enseigner. En 1863, convaincu par l’autodidacte Eugène Viollet-le-Duc initiateur du courant rationaliste, l’Empereur Napoléon III signe un décret pour réformer l’École, entre autres en la soustrayant de l’emprise de l’Académie pour la mettre sous l’autorité du ministère chargé des Beaux-arts. Désormais l’enseignement de l’architecture, comme celui des deux autres arts que sont la peinture et la sculpture, est sous contrôle de l’État qui nomme le directeur et les enseignants de l’école, supprime les concours à l’exception du Grand prix de Rome, réforme l’enseignement en y introduisant de nouvelles disciplines plus proches du métier d’architecte.
Mais ceci n’aura qu’un temps, les prix et concours sont rétablis, l’École revient à ses anciennes pratiques et au goût du « beau dessin ». À côté du prestigieux Grand prix de Rome, ouvrant les portes des commandes de l’État, d’autres prix sont récompensés par des médailles permettant d’obtenir des valeurs sur projets, le Godebœuf, le Delon, le Labarre, le prix des Américains, l’Arfvison. Enfin le fameux Prix Rougevin, portant sur des thèmes « d’ornement et d’ajustement », qui donnait lieu à des défilés de chars réalisés par les « nouvôs » entre l’École des Beaux-arts et le Panthéon. Sur sa place, ces chars de nature érotico-burlesque étaient brulés au son des fanfares des ateliers. Le « Pompier », hymne des architectes depuis 1885, y était chanté à tue-tête (extrait d’un texte transmis par Louis-Marie Flamand, accompagnant son aquarelle).

Aquarelle de L.M. Flamand
Viollet-le-Duc est débarqué de la chaire d’histoire de l’art qu’il avait créée un an plus tôt, et ne parvenant pas à mettre en place les réformes, il démissionne face à la cabale montée par l’Institut et les élèves. Il rejoint Émile Trélat, ingénieur de l’École Centrale des Arts et Manufacture, fondateur le 10 mai 1865 de l’École Centrale d’architecture qui devient École spéciale d’architecture en 1869. Parmi les actionnaires et enseignants de l’École on trouve nombre de membres proches des saint-simoniens, mouvement idéologique exerçant une influence importante dans la révolution industrielle de la deuxième moitié du XIXème siècle : le progrès doit s’accompagner de justice sociale. L’école offre une alternative pragmatique à l’enseignement académique et passéiste de l’École Beaux-arts, sourde aux évolutions de la société et aux progrès techniques. Pourtant cette dernière tient bon jusqu’au milieu du XXème siècle malgré un enseignement désuet, mais surtout grâce à un folklore étudiant vivant et une culture d’atelier transmis de génération en génération et laissant aux élèves un souvenir indélébile.
Les deux écoles, celle de Beaux-arts et celle de l’École spéciale d’architecture, délivrent des diplômes d’architectes, depuis 1867 pour la première, depuis 1868 pour la seconde, ce qui leur donne une reconnaissance mais pas un monopole sur la commande. L’École spéciale d’architecture est reconnue d’utilité publique en 1870. Au moment de son installation en 1904 au 254 boulevard Raspail à Paris, son adresse encore actuellement, le nombre de diplômés de l’École spéciale d’architecture est d’une dizaine par an, alors que le nombre d’élèves de la section « architecture » de l’École des Beaux-arts est de 950 (1162 élèves en 1914).
Gaston Trélat, qui succède à son père en 1907 pour diriger l’École spéciale d’architecture, introduit de nouveaux cours comme le béton armé, la construction métallique, l’hygiène tropicale avec l’architecture coloniale.
Vincent du Chazaud le 20 août 2025
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