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responsabilite [2011/04/02 00:18] l_triquet |
responsabilite [2020/05/11 16:30] |
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- | ====== Responsabilité ====== | ||
- | vient de l’anglais RESPONSABILITY. Le mot apparaît à la fin du XVIIIe siècle alors qu’on parlait déjà de responsable à la fin du XVIIe siècle, dans le sens du latin RESPONSUS (de RESPONDERE). | ||
- | Voir le Code Civil, nouveaux articles 1792 et 2270: la responsabilité qui planait sur les architectes et les entrepreneurs est maintenant étendue «à toutes les autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage». | ||
- | |||
- | Il y a, en fait, de nombreuses responsabilités: | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | ===== RESPONSABILITE QUINQUENNNALE DE L' | ||
- | \\ | ||
- | **EXTRAIT DU BULLETIN " BREVES " de la CNCEJ N°30 du 30 décembre 2008** | ||
- | \\ | ||
- | Modalités d' | ||
- | \\ | ||
- | Exemples :\\ | ||
- | Un rapport déposé en 1977 entraîne votre responsabilité jusqu' | ||
- | Un rapport déposé en 2000 entraîne votre responsabilité 2013 inclus.\\ | ||
- | Un rapport déposé en 2008 entraîne votre responsabilité 2013 inclus.\\ | ||
- | \\ | ||
- | A partir de 2008, l' | ||
- | L' | ||
- | \\ | ||
- | {{responsabilite001.jpg|}}\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | ===== RESPONSABILITE CIVILE DE L' | ||
- | \\ | ||
- | ==== I. Responsabilité traditionnelle de l’expert judiciaire ==== | ||
- | \\ | ||
- | __Historique :__\\ | ||
- | \\ | ||
- | Si le principe de la responsabilité civile de l’expert été timidement affirmé par l’article 320 de l’ancien Code (1806), //en cas de retard ou de refus de la part des expert de déposer leurs rapports// (donc dans des cas nécessairement limités, palpables et objectifs) cette responsabilité n’est que récemment, à la fin du XX° siècle, devenue un vrai sujet : la recherche de toute responsabilité, | ||
- | \\ | ||
- | Malgré cela la jurisprudence publiée est très rare :\\ | ||
- | \\ | ||
- | On passera rapidement sur le premier arrêt significatif de la Cour de cassation rendu par la Chambre des Requêtes (donc une chambre de « tri ») le 26 octobre 1914, arrêt | ||
- | \\ | ||
- | Un deuxième arrêt est rendu beaucoup plus tard et dans le même sens, mais dans des termes plus précis. Il émane alors, ce qui est important à prendre en compte, d’une chambre de jugement (Cas. Civ. 9 mars 1949).\\ | ||
- | \\ | ||
- | On citera enfin le célèbre arrêt (2° civ. du 8 octobre 1986), sanctionnant une erreur de dactylographie commise dans un rapport médical et qui aboutissait à une incapacité dix fois supérieure à la réelle.\\ | ||
- | \\ | ||
- | __Chefs de mise en cause de la responsabilité civile de l’expert__\\ | ||
- | \\ | ||
- | La responsabilité traditionnelle de l’expert est essentiellement mise en cause :\\ | ||
- | \\ | ||
- | * Pour des retards ou une carence | ||
- | \\ | ||
- | * Pour des fautes dans l’accomplissement de sa mission : non-respect du contradictoire, | ||
- | \\ | ||
- | Même si on peut toujours chercher à délimiter la faute (celle que ne commettrait pas un expert prudent et avisé), mais l’alternative est clairement posée : ou bien l’expert est incompétent et il mérite d’être sanctionné, | ||
- | \\ | ||
- | Il reste que les procès en responsabilité « traditionnelle » sont alors peu nombreux et que les indemnisations correspondantes restent globalement à un niveau modeste.\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | ==== II. Evolution des risques ==== | ||
- | \\ | ||
- | Depuis une dizaine d’années, | ||
- | \\ | ||
- | L’expert est en quelque sorte devenu le fusible du procès : non professionnel du droit, ne connaissant de la procédure ce qui est nécessaire, | ||
- | \\ | ||
- | Le nombre d’assignations pour les motifs traditionnels évoqués plus haut ne cesse donc d’augmenter, | ||
- | \\ | ||
- | Le secteur bâtiment et travaux publics est pour les détournements de procédure un domaine privilégié.\\ | ||
- | \\ | ||
- | __Quelques itinéraires parmi les plus courants :__\\ | ||
- | \\ | ||
- | **1. Le détournement de la procédure de référé :**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Comme on le sait, la plus grande partie des expertises sont décidées en référé : il s’agit le plus souvent de constater, de rechercher les causes, de décrire. //Jamais de préconiser ou de surveiller les travaux.// L’expert doit donc ici éviter d’être la victime du texte même de la mission pour laquelle il est commis.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Dans ce cas de figure, l’expertise reste la plupart du temps au niveau précontentieux du fond : restent en présence l’expert, les parties et leurs conseils, et aucune décision judiciaire ne vient donc donner l’autorité de la chose jugée car il n’y a pas de décision, seulement un rapport d’expertise qui n’a que la valeur d’un avis.\\ | ||
- | \\ | ||
- | La tendance est de plus en plus que les conseils mécontents n’hésitent pas à assigner l’expert devant un tribunal pour obtenir des dommages-intérêts. \\ | ||
- | \\ | ||
- | Ce procédé est extrêmement fallacieux, car la responsabilité d’un expert ne peut être recherchée que lorsqu’il a déposé son rapport, qu’il a été discuté contradictoirement devant la juridiction de jugement et que celle-ci a jugé. Alors si l’expert a commis des fautes sa responsabilité pourra ensuite être recherchée.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Or dans le procédé ci-dessus décrit, l’expert est immédiatement considéré comme une partie.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **2. Le contentieux de la rémunération :**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Il se déroule devant le Premier président. Seul l’expert est à même de se défendre, connaissant parfaitement son propre dossier et la présence d’un conseil à ses côtés n’étant pas nécessaire. | ||
- | \\ | ||
- | **3. Les nouveaux moyens de mise en cause de la responsabilité :**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Il s’agit de donner à des moyens procéduraux des portées et destinations qu’ils n’ont pas et à cet égard l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme est précieux aux avocats sans scrupules.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Les exemples sont de plus en plus nombreux : il suffit de démontrer en cours de procédure, que le procès ne peut se dérouler dans des conditions devant un tribunal impartial. Les dispositions du CPC et du Code administratif déterminant les causes de récusation n’ont plus aucune signification puisqu’elles n’épuisent pas ces causes.\\ | ||
- | \\ | ||
- | On sait que des experts ont vu leur expertise annulée par la Cour de cassation car leur impartialité était mise en cause alors que rien ne pouvait le leur laisser prévoir. \\ | ||
- | \\ | ||
- | Ce genre de démarche peut aboutir à des situations gravissimes pour l’expert, tel le cas extravagant d’un confrère agressé et qui finalement, après cassation et renvoi devant la Cour d’appel voit son expertise annulée doit supporter l’article 700 et rembourser le coût de son travail (on pourra se reporter à mes différents articles sur ce sujet précis).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Or, au civil, la récusation peut être soulevée à tout moment avant le dépôt du rapport, c’est-à- dire lorsque le travail est fait et l’orientation des conclusions expertales déjà connue (pré-rapport) ou pressentie (déroulement des opérations). Il arrive même (procédure au fond) qu’elle le soit après le dépôt du rapport mais avant jugement. \\ | ||
- | \\ | ||
- | __Droit administratif :__\\ | ||
- | \\ | ||
- | Les mêmes procédés ont cours en droit administratif, | ||
- | \\ | ||
- | Seul est à considérer le cas (très rare) de l’action récursoire de l’Etat contre l’expert, si l’Etat est jugé responsable en première ligne alors que la faute incombe à l’expert.\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | ==== III. Rôle de l’assurance ==== | ||
- | \\ | ||
- | Le rôle de l’assureur est de garantir la responsabilité civile des experts judiciaires, | ||
- | \\ | ||
- | Le rôle de l’assurance demandera donc à être explicité après un débat portant sur la sinistralité, | ||
- | \\ | ||
- | Un tel débat portera aussi sur la problématique particulière de la responsabilité civile reposant sur les articles 1382 et suivants du Code civil. | ||
- | \\ | ||
- | Un autre débat pourra utilement se tenir sur les conditions d’intervention de l’assureur dans les différents cas de figure posés ci-dessus, et procéduralement, | ||
- | \\ | ||
- | Il sera de première utilité que les présidents des compagnies, qui seront appelés à voter pour tel ou tel concurrent à l’appel d’offres engagé, fassent part de leurs observations, | ||
- | \\ | ||
- | Le rôle de l’assureur devra être précisé et détaillé à la fois en ce qui concerne les modalités et les limites de son intervention dans les différentes situations qui pourront se présenter.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Enfin, comme il n’est pas douteux que le contentieux de l’expertise judiciaire (notamment parce qu’il est lié à la technique) est un contentieux très particulier qui nécessite des compétences particulières, | ||
- | \\ | ||
- | On rappellera ici que le conseil habituel du C.N.C.E.J., qui connaît parfaitement les arcanes de cette famille très particulière de procédures, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | ===== RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS : PIQURE DE RAPPEL DE LA COUR DE CASSATION ===== | ||
- | \\ | ||
- | La Cour de cassation propose un tour d' | ||
- | \\ | ||
- | La communication diffusée dans le bulletin d' | ||
- | \\ | ||
- | Il est ainsi fait état des thèmes épineux qui tracassent par tradition les acteurs de la construction. C'est le cas notamment de l' | ||
- | \\ | ||
- | '' | ||
- | \\ | ||
- | par Delphine Chauchis, auditeur\\ | ||
- | sous la direction d’Alain Lacabarats, | ||
- | \\ | ||
- | Les articles 1792 à 1792-6 du code civil distinguent trois régimes de garantie : la garantie décennale, la garantie biennale et la garantie de parfait achèvement.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Le choix entre garantie biennale et décennale dépend de l’étendue des effets du désordre et de la nature des éléments de l’ouvrage touchés par ce dernier.\\ | ||
- | \\ | ||
- | La jurisprudence soumet à la garantie légale tous les dommages qui, par leur importance (décennale) ou leur siège (biennale), en relèvent, et ne permet pas d’en chercher la réparation sur un autre fondement.\\ | ||
- | \\ | ||
- | __Civ. 3e, 13 avril 1988, Pourvoi n°86-17.824, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | ==== I. Garanties légales ==== | ||
- | \\ | ||
- | === A. Points communs à toutes les garanties légales === | ||
- | **1. Conditions cumulatives de mise en oeuvre**\\ | ||
- | * __Existence d’un ouvrage ...__\\ | ||
- | Il n’existe aucune définition légale de l’ouvrage.\\ | ||
- | Il s’agit essentiellement d’une construction, | ||
- | \\ | ||
- | * __...relevant de la construction...__\\ | ||
- | Ce qui suppose que les travaux soient effectués en vertu d’un contrat de louage d’ouvrage, | ||
- | \\ | ||
- | * __...ayant fait l’objet d’une réception...__\\ | ||
- | Cette notion est évoquée par les articles 1792-4-1 et 1792-6 du code civil, et définie comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, | ||
- | La réception peut être expresse, tacite ou judiciaire.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Quels sont les effets de la réception ?\\ | ||
- | La réception opère le transfert de la garde de l’ouvrage et des risques de la construction.\\ | ||
- | \\ | ||
- | __A ce titre :__\\ | ||
- | - elle purge l’ouvrage de ses désordres et non-conformités apparentes ;\\ | ||
- | - elle ouvre les procédures de règlement financier ;\\ | ||
- | - elle transfère les risques au maître de l’ouvrage ;\\ | ||
- | - elle marque le point de départ des garanties de parfait achèvement et des garanties biennales et décennales.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __...d’un dommage ...__\\ | ||
- | Le désordre ne doit pas être apparent à la réception.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Son origine est indifférente ; il peut provenir d’un vice ou d’un défaut de conformité, | ||
- | \\ | ||
- | Il doit être actuel, mais il peut être futur ou évolutif. La jurisprudence admet en effet la réparation, | ||
- | \\ | ||
- | Il doit être imputable à l’activité des personnes réputées constructeurs par la loi.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __...d’une interruption valable du délai de garantie__\\ | ||
- | Les délais de garantie sont d’ordre public. Il s’agit de délais de forclusion.\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | **2. Bénéficiaires**\\ | ||
- | * __Le maître de l’ouvrage__\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Les acquéreurs de l’ouvrage (et sous-acquéreurs)__\\ | ||
- | Le droit d’action accompagnant, | ||
- | \\ | ||
- | * __Les copropriétaires__\\ | ||
- | La collectivité des copropriétaires, | ||
- | \\ | ||
- | * __Les exploitants et concessionnaires d’un ouvrage__\\ | ||
- | Les concessionnaires peuvent être subrogés dans les droits du maître de l’ouvrage (CE, 18 décembre 1987, X... et Y..., requête n° 58201).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Si le maître de l’ouvrage le souhaite, il peut transmettre son action à l’exploitant de l’ouvrage (CE, 3 octobre 1986, société Tunzini-Nessi).\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | === B. Garantie de parfait achèvement === | ||
- | \\ | ||
- | **//Article 1792-6 du code civil//** | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | La garantie de parfait achèvement couvre tous les dommages, mais ne s’applique que pendant une durée très limitée à compter de la réception.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **1. Quels responsables ?**\\ | ||
- | Les entrepreneurs, | ||
- | \\ | ||
- | **2. De quels dommages ?**\\ | ||
- | Qu’il s’agisse de vices ou de défauts de conformité, | ||
- | * __dommages ayant fait l’objet de réserves formulées lors de la réception__\\ | ||
- | ou | ||
- | * __désordres apparus dans l’année qui suit la réception__, | ||
- | \\ | ||
- | **3. Dans quelles conditions ?**\\ | ||
- | * __Délai__\\ | ||
- | L’action peut être engagée dans le délai d’un an à compter de la réception.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Point de départ__\\ | ||
- | La réception des travaux.\\ | ||
- | * __Régime :__\\ | ||
- | //Nature :// | ||
- | Si elle est présentée le plus généralement comme une garantie purement objective, de sorte que le maître de l’ouvrage n’a pas à démontrer la faute de l’entrepreneur ni même à établir le lien d’imputabilité entre le dommage et l’activité de l’entrepreneur (analyses doctrinales néanmoins divergentes sur ce point), la plupart des auteurs soulignent que la cause étrangère est exonératoire de responsabilité.\\ | ||
- | \\ | ||
- | //Causes d’exonération// | ||
- | * __les effets de l’usure normale et de l’usage__ (article 1792-6, dernier alinéa) ;\\ | ||
- | * __la cause étrangère__, | ||
- | - la faute du maître de l’ouvrage (3e Civ., 10 juillet 1996, pourvoi n°94-17.375) ;\\ | ||
- | - la faute du tiers étranger à l’opération de construction (norme AFNOR NF P 03-001, article 18.3) ;\\ | ||
- | - la force majeure.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **4. Combinaison avec les autres régimes de responsabilité** | ||
- | \\ | ||
- | Laisse subsister la responsabilité de droit commun :\\ | ||
- | * __des autres constructeurs pour le même dommage__ ;\\ | ||
- | * __de tous les constructeurs pour les dommages intermédiaires__ (= dommages n’affectant pas la solidité de l’ouvrage et ne rendant pas celui-ci impropre à sa destination) (cf 3e Civ., 4 février 1987, pourvoi n°85-16.584, | ||
- | * __de tous les constructeurs pour les dommages réservés et non réparés__(3e Civ., 13 décembre 1995, pourvoi n°92-11.637, | ||
- | \\ | ||
- | Laisse subsister la responsabilité décennale des constructeurs :\\ | ||
- | * __pour les désordres non réservés__ ;\\ | ||
- | * __pour les désordres réservés s’aggravant par la suite__ (3e Civ., 12 octobre 1994, pourvoi n°92-16.533, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
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- | |||
- | === C. Garantie décennale === | ||
- | \\ | ||
- | **// | ||
- | \\ | ||
- | **1. Quels responsables ?** | ||
- | \\ | ||
- | * - __Les constructeurs__, | ||
- | - Le locateur d’ouvrage, | ||
- | - Le vendeur, après achèvement, | ||
- | - Cette situation particulière a rendu nécessaires quelques aménagements concernant notamment, dans l’hypothèse où le vendeur a lui-même construit l’immeuble, | ||
- | - Le vendeur d’immeuble à construire est soumis aux garanties légales en application de l’article 1646-1 du code civil ;\\ | ||
- | - Le mandataire du propriétaire de l’ouvrage qui accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Le fabricant :__\\ | ||
- | - Dès lors qu’est établie une responsabilité décennale à l’encontre du locateur d’ouvrage, | ||
- | \\ | ||
- | Il n’est solidaire qu’avec son locateur d’ouvrage.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **2. De quels dommages ?** | ||
- | \\ | ||
- | La garantie décennale concerne les désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage, | ||
- | \\ | ||
- | Les critères d’impropriété ou d’atteinte à la solidité de l’ouvrage sont laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond (la Cour de cassation ne contrôlant que l’existence d’une motivation suffisante).\\ | ||
- | \\ | ||
- | **3. Dans quelles conditions ?** | ||
- | \\ | ||
- | * __Délai__: | ||
- | Le dommage doit présenter les critères de gravité requis dans un délai de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Point de départ :__\\ | ||
- | La réception des travaux.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Régime :__\\ | ||
- | \\ | ||
- | //Nature :// | ||
- | \\ | ||
- | Il s’agit d’une responsabilité de plein droit.\\ | ||
- | Instaure ainsi une présomption d’imputabilité du désordre et implique que le constructeur subisse les conséquences financières du risque.\\ | ||
- | \\ | ||
- | //Causes d’exonération// | ||
- | \\ | ||
- | La cause étrangère, | ||
- | * __le fait du maître de l’ouvrage :__ il faut que soit apportée la preuve d’une immixtion d’un maître de l’ouvrage notoirement compétent ou de l’acceptation d’un risque par ce dernier ;\\ | ||
- | * __le fait du tiers dans des circonstances exceptionnelles__ (3e Civ., 26 mars 1997, pourvoi n°94-21.808, | ||
- | * __la force majeure.__\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | **4. Combinaison avec les autres régimes de responsabilité**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Il s’agit d’un régime de responsabilité exclusif, destiné à réparer les atteintes à la solidité ou à la destination de l’ouvrage, | ||
- | \\ | ||
- | Néanmoins: | ||
- | - si le désordre ne trouve pas sa source dans les éléments d’équipement ;\\ | ||
- | - si le désordre ne se manifeste pas par une atteinte à la solidité de l’ouvrage ou ne compromet pas la destination de celui-ci (arrêt ENEC : 3e Civ., 22 mars 1995, pourvoi n°93-15.233, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | === D. Garantie biennale === | ||
- | \\ | ||
- | **//Article 1792-3 du code civil//** | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | **1. Quels responsables ?**\\ | ||
- | Les constructeurs, | ||
- | * __Le locateur d’ouvrage__, | ||
- | * __Le vendeur__, après achèvement d’un immeuble qu’il a construit ou fait construire.\\ | ||
- | Cette situation particulière a rendu nécessaires quelques aménagements concernant notamment, dans l’hypothèse où le vendeur a lui-même construit l’immeuble, | ||
- | Le vendeur d’immeuble à construire est soumis aux garanties légales en application de l’article 1646-1 du code civil.\\ | ||
- | * __Le mandataire du propriétaire de l’ouvrage__ qui accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage\\ | ||
- | \\ | ||
- | ** 2. De quels dommages ?**\\ | ||
- | La garantie biennale ne concerne que les éléments d’équipement dissociables des éléments constitutifs de l’ouvrage posés au moment de la construction (3e Civ., 10 décembre 2003, pourvoi n°02-12.215, | ||
- | \\ | ||
- | Elle se limite dès lors :\\ | ||
- | * __aux éléments d’équipement “dissociables”__ (= par une interprétation a contrario de l’article 1792-2 du code civil, à “ceux que l’on peut déposer, démonter ou remplacer sans détérioration ou enlèvement de matière de l’ouvrage de viabilité, de fondation, d’ossature, | ||
- | * __aux éléments dont le “bon fonctionnement” est en cause__ (= l’aptitude de l’élément d’équipement à remplir sa fonction à condition que le mauvais fonctionnement n’ait d’effet que sur ce dernier - si le mauvais fonctionnement compromet la solidité de l’ouvrage, | ||
- | * __aux désordres clandestins__ : ni réservés ni apparents au moment de la réception (néanmoins, | ||
- | \\ | ||
- | ** 3. Dans quelles conditions ?**\\ | ||
- | * __Délai__\\ | ||
- | L’action peut être engagée pendant deux ans à compter de la réception des travaux.\\ | ||
- | * __Point de départ__\\ | ||
- | La réception des travaux.\\ | ||
- | * __Régime__\\ | ||
- | \\ | ||
- | //Nature :// | ||
- | Il s’agit d’une responsabilité de plein droit.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Elle est peu invoquée par le maître de l’ouvrage et davantage par les constructeurs comme moyen de défense, dans la mesure où le délai est court et où la jurisprudence considère qu’une fois la prescription acquise, le maître de l’ouvrage ne peut invoquer un autre fondement pour demander réparation du même type de dommage (3e Civ., 6 octobre 1998, pourvoi n° 96-20.296).\\ | ||
- | \\ | ||
- | //Causes d’exonération// | ||
- | \\ | ||
- | la cause étrangère, | ||
- | * __le fait du maître de l’ouvrage :__ il faut alors une immixtion d’un maître de l’ouvrage notoirement compétent ou l’acceptation d’un risque par ce dernier ;\\ | ||
- | * __le fait du tiers dans des circonstances exceptionnelles__ (3e Civ., 26 mars 1997, pourvoi n°94-21.808, | ||
- | * __la force majeure__.\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | **4. Combinaison avec les autres régimes de responsabilité**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Ce régime de responsabilité est exclusif de toute autre action concernant les éléments d’équipement dissociables.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Néanmoins :\\ | ||
- | \\ | ||
- | - subsiste la responsabilité de droit commun :\\ | ||
- | si les éléments touchés ont été installés indépendamment de la construction de l’ouvrage\\ | ||
- | - subsiste la responsabilité décennale des constructeurs :\\ | ||
- | dans l’hypothèse où l’incidence du dommage sur la solidité ou la destination de l’ouvrage atteint une certaine gravité. | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | ==== II. Responsabilités de droit commun ==== | ||
- | \\ | ||
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- | === A. Responsabilité contractuelle de droit commun === | ||
- | **1. Quels responsables ?**\\ | ||
- | * //Les constructeurs :// | ||
- | La responsabilité de droit commun est engagée dans le cadre de l’exécution des contrats nécessaires à la réalisation de la construction, | ||
- | \\ | ||
- | * //Les fabricants// | ||
- | La responsabilité du fabricant peut être recherchée sur le terrain du droit commun :\\ | ||
- | - __À l’égard du maître de l’ouvrage cocontractant__, | ||
- | \\ | ||
- | - __A l’égard du maître d’ouvrage sans lien contractuel avec lui__, reposant néanmoins sur une action contractuelle directe (fondée sur la non-conformité ou la garantie des vices cachés, en application du fameux arrêt d’assemblée plénière du 7 février 1986 - Ass. plén., 7 février 1986, pourvoi n°83-14.631, | ||
- | \\ | ||
- | - __A l’égard du locateur d’ouvrage :__\\ | ||
- | **si** le locateur d’ouvrage s’est procuré lui-même le produit, lorsqu’il invoque un manquement du fabricant à son obligation de conseil quant aux modalités de mise en œuvre du produit,\\ | ||
- | |||
- | **ou** lorsque le locateur d’ouvrage, | ||
- | \\ | ||
- | **2. De quels dommages ?**\\ | ||
- | \\ | ||
- | La responsabilité de droit commun sanctionne :\\ | ||
- | * __une obligation de faire__, dans les délais, ce qui était prévu au contrat\\ | ||
- | * __une obligation de bien faire__ (= obligation de conduire les travaux conformément aux règles de l’art).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Ainsi, la responsabilité de droit commun ne concerne pas seulement la construction de l’ouvrage ni même les désordres de la construction, | ||
- | \\ | ||
- | Elle s’applique dans les situations énoncées ci-dessous :\\ | ||
- | * __dommages résultant de travaux qui ne tendent pas à la réalisation d’un ouvrage__ (3e Civ., 11 juin 1985, pourvoi n° 84-12.569) ;\\ | ||
- | * __dommages résultant de travaux n’ayant pas fait l’objet d’une réception__ : avant la réception, seule la responsabilité de droit commun est applicable (3e Civ., 6 janvier 1999, pourvoi n° 97-11.163) ;\\ | ||
- | * __dommages réservés__, | ||
- | \\ | ||
- | Le choix du fondement de l’action est laissé au maître de l’ouvrage, | ||
- | \\ | ||
- | * __dommages “intermédiaires”__ (= dommages dont la faible gravité les empêche d’être réparables au titre des garanties légales : 3e Civ., 22 mars 1995, pourvoi n° 93-15.233, Bull. 1995, III, n° 80) ;\\ | ||
- | * __dommages provenant d’un défaut de conformité__ | ||
- | * __n’impose pas de prouver l’existence d’un désordre__ (3e Civ., 22 octobre 2002, pourvoi n°01- | ||
- | * __action enfermée dans un délai de dix ans__ (3e Civ., 22 novembre 2006, pourvoi n° 05-19.565, Bull. 2006, III, n° 228) ;\\ | ||
- | * __non-respect d’obligations contractuelles__ mais ne conditionnant pas la qualité de l’ouvrage lui-même (à titre d’exemple, | ||
- | * __dol du constructeur__.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **3. Dans quelles conditions ?**\\ | ||
- | * __Délai :__\\ | ||
- | L’action peut être engagée dans un délai de dix ans, en vertu d’une jurisprudence développée sous le régime de la loi de 1967 et réaffirmée depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1978 (3e Civ., 16 octobre 2002, pourvoi n° 01-10.482, Bull. 2002, III, n°205) en application de l’article 2270 du code civil.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Ce délai est a priori maintenu en application de l’article 1792-4-3 du code civil à l’issue de la loi du 17 juin 2008, mais à compter de la réception des travaux.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Point de départ :__\\ | ||
- | La réception des travaux.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Régime :__\\ | ||
- | //Nature :// | ||
- | Il s’agit d’une responsabilité de droit commun fondée sur une obligation de résultat ou de moyens en fonction de la nature de l’obligation violée, de la qualité du locateur d’ouvrage (concepteur ou exécutant).\\ | ||
- | \\ | ||
- | //Causes d’exonération// | ||
- | la cause étrangère, | ||
- | * __le fait du tiers__, avec la particularité que la jurisprudence propre à la garantie décennale est ici transposée, | ||
- | * __la force majeure__ ;\\ | ||
- | * __la faute de la victime__.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **4. Combinaison avec les autres régimes de responsabilité**\\ | ||
- | Caractère subsidiaire de la responsabilité de droit commun eu égard aux responsabilités biennales et décennales :\\ | ||
- | \\ | ||
- | Tout dommage présentant les caractéristiques susceptibles de le soumettre aux garanties décennales ou biennales ne peut être réparé que sur le fondement de ces garanties (3e Civ., 10 avril 1996, Bull. 1996, III, n° 100).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Coexistence de la responsabilité de droit commun et de la garantie de parfait achèvement :\\ | ||
- | \\ | ||
- | La responsabilité de droit commun peut être invoquée concurremment avec la garantie de parfait achèvement pour ce qui concerne :\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __les participants à l’opération de construction autres que l’entrepreneur__ ;\\ | ||
- | * __tous les constructeurs pour les dommages réservés et non réparés__ (3e Civ., 13 décembre 1995, pourvoi n° 92-11.637, Bull. 1995, III, n° 255) ;\\ | ||
- | * __tous les constructeurs pour les dommages intermédiaires__ (cf. 3e Civ., 4 février 1987, pourvoi n° 85-16.584, Bull. 1987, III, n° 16 et 3e Civ., 22 mars 1995, pourvoi n°93-15.233, | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | === B. Responsabilité délictuelle === | ||
- | \\ | ||
- | // | ||
- | \\ | ||
- | **1. La responsabilité délictuelle des constructeurs** | ||
- | \\ | ||
- | * __Responsabilité délictuelle invoquée par des tiers :__\\ | ||
- | Distinction entre la responsabilité délictuelle de droit commun et le trouble anormal de voisinage.\\ | ||
- | * __Dans le cadre de la responsabilité délictuelle de droit commun :__\\ | ||
- | - //Action fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil// : | ||
- | le tiers lésé doit rapporter la preuve de la faute, du dommage et du lien de causalité, dans un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, en application de l’article 1792-4-3 du code civil ;\\ | ||
- | - //Action fondée sur l’article 1384//, alinéa premier, du fait de la garde de l’immeuble ou du chantier : | ||
- | limitée à la période antérieure à la réception\\ | ||
- | chaque locateur d’ouvrage est responsable des seules choses qu’il a sous sa garde sur le chantier pendant la durée de la construction, | ||
- | - //Action fondée sur l’article 1386 du code civil//, pesant sur le propriétaire d’un bâtiment dont la ruine, arrivée par suite du défaut d’entretien ou par le vice de la construction, | ||
- | suppose que la réception des travaux soit intervenue (le propriétaire prend alors la qualité de gardien)\\ | ||
- | Responsabilité de plein droit pesant sur le propriétaire, | ||
- | \\ | ||
- | * __Dans le cadre du trouble anormal de voisinage__ : | ||
- | Nul ne doit causer à autrui de trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage\\ | ||
- | \\ | ||
- | Il s’agit d’une responsabilité sans faute, d’origine purement prétorienne.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Le voisin (notion entendue largement par la Cour de cassation - cf. 3e Civ., 17 mars 2005, pourvoi n°04-11.279, | ||
- | - __du maître de l’ouvrage__ ;\\ | ||
- | - __du ou des constructeurs en leur qualité de voisins occasionnels :__ 3e Civ., 30 juin 1998, pourvoi n° 96-13.039, Bull. 1998, III, n° 144, et 3e Civ., 13 avril 2005, pourvoi n°03-20.575, | ||
- | \\ | ||
- | * __Responsabilité délictuelle invoquée par des cocontractants :__ | ||
- | \\ | ||
- | * __Quelles actions ?__ | ||
- | \\ | ||
- | * __Action fondée sur une faute personnelle d’un constructeur :__ | ||
- | à titre d’exemple, | ||
- | \\ | ||
- | * __Action récursoire du maître de l’ouvrage ayant indemnisé des tiers__, à condition qu’elle soit intentée après indemnisation, | ||
- | \\ | ||
- | Le maître de l’ouvrage est subrogé dans les droits du tiers indemnisé (3e Civ., 21 juillet 1999, pourvoi n° 96-22.735, Bull. 1999, III, n° 182) ; les constructeurs impliqués dans le dommage sont considérés comme les contributeurs définitifs, | ||
- | \\ | ||
- | * __Action contre un tiers à l’origine d’un dommage à l’ouvrage__ ;\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Action délictuelle entre constructeurs__ :\\ | ||
- | \\ | ||
- | Les constructeurs, | ||
- | \\ | ||
- | Les constructeurs condamnés in solidum à l’égard d’un maître de l’ouvrage (dès lors que leurs diverses fautes se sont conjuguées de manière indissociable dans la production du dommage) ont la possibilité d’exercer des actions récursoires les uns contre les autres, afin de parvenir à un partage de leur responsabilité (contribution à la dette) ; ces actions sont directes, délictuelles et non subrogatoires.\\ | ||
- | \\ | ||
- | L’action récursoire d’un maître de l’ouvrage condamné pour des dommages causés aux tiers est également de nature délictuelle.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __Dans quel délai ?__ | ||
- | Dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | **2. La responsabilité délictuelle des fabricants** | ||
- | \\ | ||
- | Le fabricant est responsable à l’égard des locateurs d’ouvrages sur un fondement :\\ | ||
- | * __délictuel en principe__, puisqu’aucun contrat ne les unit 3e Civ., 30 janvier 1991, pourvois n°89-18.252 et 89-18.147, Bull. 1991, III, n°42, 3e Civ., 25 janvier 1995, pourvoi n°93-12.581, | ||
- | * __contractuel__ \\ | ||
- | - si le locateur d’ouvrage s’est procuré lui-même le produit, lorsqu’il invoque un manquement du fabricant à son obligation de conseil quant aux modalités de mise en œuvre du produit,\\ | ||
- | ou\\ | ||
- | - si le locateur d’ouvrage, | ||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | ==== III. Responsabilités spécifiques ==== | ||
- | \\ | ||
- | **1. Responsabilités spécifiques dont répondent les fabricants**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Le fabricant répond de garanties spécifiques: | ||
- | * En vertu des articles L.211 et suivants du code civil, le fabricant répond d’une garantie de conformité à l’égard du maître de l’ouvrage ;\\ | ||
- | * En vertu des articles 1386-1 à 1386-18 du code civil, le fabricant peut voir sa responsabilité engagée du fait des produits défectueux (Directive 85/374/CEE, du 25 juillet 1985).\\ | ||
- | \\ | ||
- | **2. Responsabilités spécifiques dont répondent les promoteurs et vendeurs**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Les promoteurs et vendeurs répondent, à l’égard du premier occupant, d’une garantie d’isolation phonique prévue par l’article L. 111-11 du code de la construction et de l’habitation.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Cette garantie dure un an à compter de la prise de possession (et non de la réception) et couvre les défauts de conformité aux exigences minimales d’isolation requises par la réglementation.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Toutefois, un défaut d’isolation phonique pourra entraîner la mise en œuvre de la garantie décennale s’il rend l’immeuble impropre à sa destination (3e Civ., 16 septembre 2003, pourvoi n°02-15.031), | ||
- | \\ | ||
- | Enfin, un défaut d’isolation phonique pourra entraîner la mise en jeu de la responsabilité de droit commun lorsque le trouble a son origine dans un défaut de conformité (3e Civ., 21 février 1990, pourvoi n°88-10.623, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | '' | ||
- | \\ | ||
- | J-B Auby, H. Périnet-Marquet, | ||
- | \\ | ||
- | Ph. Malinvaud, Droit de la construction, | ||
- | \\ | ||
- | R. Saint-Alary, | ||
- | \\ | ||
- | M. Zavaro, La responsabilité des constructeurs, | ||
- | \\ | ||
- | '' | ||
- | \\ | ||
- | G. Liet-Veaux, Juris-Classeur Civil Code, Art. 1788 à 1794, 10 décembre 2006, mis à jour au 14 avril 2008\\ | ||
- | \\ | ||
- | J-P Karila, H. Périnet-Marquet, | ||
- | \\ | ||
- | Juriscompact, | ||
- | \\ | ||
- | et, en outre,\\ | ||
- | \\ | ||
- | S. Maunand, Droit de la construction, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | ====== Reflexion sur la responsabilité civile de l' | ||
- | \\ | ||
- | __**Afin d' | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | **L’aspiration à la sécurité est devenue le mythe de notre civilisation.** Les individus sont aujourd’hui en quête du service infaillible et rejètent l’idée que leur propre attitude puisse être la cause de leur dommage. **La montée en puissance des actions** aux fins d’indemnisation à l’encontre des professionnels en porte témoignage. Professionnels du droit et professionnels de la santé, principalement. Peut-on dire qu’un tel raz-de-marée emporte les experts dans son sillage ?** Le développement de l’expertise judiciaire comme son importance accrue, au sein du procès**, suffit à se poser la question.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **Le travail de l’expert peut être frappé de sanctions**, | ||
- | \\ | ||
- | La responsabilité pénale de l’expert peut se concevoir dès lors qu’une infraction est caractérisée. On peut songer, par exemple, au non respect du secret professionnel ((V. art. 226-13 C. pén. qui dispose que « //la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d’une mission temporaire est punie d’un emprisonnement d’un an et de 15.000 euros d’amende// | ||
- | \\ | ||
- | S’il n’existe pas à proprement parler de responsabilité disciplinaire, | ||
- | \\ | ||
- | A la différence de la responsabilité professionnelle des architectes, | ||
- | \\ | ||
- | **La qualité des travaux des experts** qui, pour être inscrit sur la liste ont du prouver leurs compétences, | ||
- | \\ | ||
- | **L’ambiguïté du statut** et surtout **la difficulté de mettre en œuvre les conditions** de la responsabilité de l’expert seraient plutôt les causes de cet état de fait. La jurisprudence admet, depuis presque un siècle maintenant((Cass. req., 26 oct. 1914, Gaz. Pal. 1914, 2, 215.)) le principe d’une responsabilité civile de l’expert (I), il est difficile en pratique de prouver que la faute de l’expert est à l’origine du dommage subi par le demandeur. En d’autres termes il est difficile de mettre en œuvre les conditions de la responsabilité de l’expert (II).\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | |||
- | ==== I. Le principe d'une responsabilité civile de l' | ||
- | \\ | ||
- | **Aujourd’hui la responsabilité civile de l’expert est fondée sur le droit commun de la responsabilité civile.** Cela étant, cette assertion est loin d’être une évidence dans la mesure où certains auteurs, parmi lesquels Gérard Rousseau et Patrick de Fontbressin, | ||
- | \\ | ||
- | == I.1. La responsabilité de l’expert selon les juridictions administratives : == | ||
- | \\ | ||
- | L’expert peut intervenir devant les juridictions civiles, pénales, mais aussi administratives. Or, la jurisprudence administrative, | ||
- | \\ | ||
- | En conséquence, | ||
- | \\ | ||
- | Le mécanisme de substitution de la responsabilité de l’Etat à celle de l’auteur défaillant lui assure la réparation de son préjudice : hormis le cas de faute de l’expert ayant concouru au dommage, on peut parler, selon Jacques Hureau et Patrick de Fontbressin de « garantie tous risques de l’Etat »((J. Hureau et P. de Fontbressin, | ||
- | \\ | ||
- | En conséquence encore, **lorsque l’expert est auteur** d’un dommage à l’occasion de sa mission, même s’il n’est pas véritablement un agent public((Il n’est pas titularisé dans la fonction publique et il ne passe pas réellement un contrat avec l’Etat, celui-ci ne le rémunérant pas par ailleurs)), l’expert judiciaire désigné par le juge administratif **serait soumis à un régime de responsabilité emprunté à celui de l’agent public**((Autre conséquence : l’Etat garantie l’expert en cas de non-paiement des honoraires par les parties)), soit une responsabilité administrative. C’est l’État qui verrait donc sa responsabilité engagée, en cas de faute lourde seulement((En effet, l’arrêt Darmont a soumis la mise en œuvre de la responsabilité de la puissance publique du fait de la justice administrative à l’exigence d’une faute lourde qui seul peut engager la responsabilité de l’Etat lorsqu’est contesté l’exercice de la fonction juridictionnelle, | ||
- | \\ | ||
- | Cette **dernière position est cependant contestée** par une partie de la doctrine. Selon cette dernière, si les juridictions administratives ont directement reconnu à l’expert victime d’un dommage cette qualité de participant au service public, elles n’ont pour autant pas tiré les conséquences au plan de la responsabilité de l’expert auteur de dommage. Par ailleurs, l’immunité de la responsabilité administrative est d’interprétation stricte((R. O. Dalcq, Traité de la responsabilité civile, t. I, 2e éd., Larcier, 1967, p. 345, n°913 ; Y. Hannequart, L’expertise et le procès en responsabilité, | ||
- | \\ | ||
- | **Une chose est sûre cependant, les juridictions civiles reconnaissent une responsabilité propre de l’expert désignées par elles fondée sur le droit commun.**\\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | == I.2. La responsabilité de l' | ||
- | \\ | ||
- | La jurisprudence est constante sur ce point et date de 1914((Cass. req., 26 oct. 1914, op. cit.)) : la responsabilité personnelle de l’expert judiciaire à raison des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission est engagée conformément au droit commun((Le principe de l’application des règles du droit commun de la responsabilité extra contractuelle est acquis depuis longtemps : Cass. civ., 9 mars 1949.)). La Cour de cassation a refusé pendant longtemps de reconnaître à l’expert judiciaire la qualité de collaborateur du service public. Son refus de retenir une responsabilité de l’Etat en cas de non-paiement des honoraires de l’expert le confirme((Cass. civ., 14 déc. 1988, Juris-Data, n°002959. ─ 4 juin 1991, Juris-Data, n°001434)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Cependant les choses peuvent changer avec l’affaire Peňarroja puisque la Cour de cassation, avant de surseoir à statuer et poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’union européenne, | ||
- | \\ | ||
- | **Aucun texte ne vise expressément la responsabilité des experts**, c’est pourquoi au plan civil, elle se fonde sur la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle des articles 1382 et 1383 du Code civil. En effet, l’expert est désigné par le juge et n’est en aucun cas lié aux parties à l’instance, | ||
- | \\ | ||
- | **L’expert sera donc responsable, | ||
- | \\ | ||
- | **En effet, pendant longtemps**, | ||
- | \\ | ||
- | **Face aux critiques doctrinales** (qui reprochaient une confusion des fonctions des juridictions et des experts), la jurisprudence a progressivement modifié sa conception (depuis 1949 on admet le principe) pour retenir aujourd’hui une responsabilité propre de l’expert sur le fondement extra-contractuel. Il n’y a plus lieu de distinguer selon que l’action est engagée avant ou après l’homologation par le juge : **la responsabilité de l’expert peut être engagée alors même que le juge a suivi son avis, dans l’ignorance de l’erreur dont son rapport se trouvait entaché**((Cass. 2e civ., 4 avril 1973, Bull. civ. II, n°127. ─ 8 oct. 1986, n°95-14.201, | ||
- | \\ | ||
- | Cela étant, il existe sans doute des **réminiscences** du raisonnement tendant à limiter les recours en responsabilité contre l’expert, puisque **les tribunaux sont réellement réticents à accueillir la responsabilité civile de l’expert** qui devient alors difficile à mettre en œuvre.\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | ==== II. La difficile mise en œuvre de la responsabilité civile de l’expert ==== | ||
- | |||
- | La spécificité du statut de l’expert n’est pas prise en compte par la jurisprudence judiciaire lorsqu’elle puise dans le droit commun le fondement de sa responsabilité, | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | == II.1 La prise en compte résiduelle de la faute == | ||
- | \\ | ||
- | Malgré une grande diversité des fautes que l’expert peut potentiellement commettre, l’on constate que les tribunaux sont en pratique réticents à les admettre.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **II.1.1 La diversité des fautes** – Compte tenu de la variété du champ d’intervention des experts, les fautes qu’ils peuvent commettre sont extrêmement diverses.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Aujourd’hui((A la différence de la jurisprudence du XIXe siècle qui prenait en compte essentiellement le dol et la fraude, car seules ces fautes d’intention pouvaient être reprochées à un magistrat, CA Dijon, 25 juil. 1854, D. 1854, 1, p. 249 ; CA Pau, 30 déc. 1863, S. 1864, 2, p. 32.)) il est admis qu’une **simple faute, même légère**, engage la responsabilité de son auteur dès lors qu’elle a causé le dommage subi par le demandeur. En vertu de l’article 1383 du Code civil, il peut s’agir d’une erreur, d’une imprudence ou d’une négligence. Mais il peut également s’agir d’une violation intentionnelle ou malicieuse des obligations de l’expert.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Sans prétendre à l’exhaustivité, | ||
- | \\ | ||
- | **II.1.1.1 le fait de ne pas s’être comporté comme l’aurait fait un homme de l’art** normalement prudent, diligent, compétent et informé. Il s’agit de la référence implicite au concept traditionnel du « bon père de famille » applicable sur le terrain de 1382 C. civ. Il en va ainsi d’une **erreur ou d’une négligence que n’aurait pas commise un technicien avisé et consciencieux :**\\ | ||
- | \\ | ||
- | * par exemple, le fait pour un **expert artistique** de donner une fausse affirmation d’authenticité. Selon les textes (D. 11 déc. 1945), les indications portées au catalogue engagent la responsabilité solidaire de l’expert et du commissaire-priseur, | ||
- | * par exemple la **négligence** consistant à avoir **sous-estimé les désordres** dans une maison d’habitation et préconisé des remèdes insuffisants ;\\ | ||
- | * par exemple, le fait pour l’expert, chargé d’évaluer la valeur d’une propriété, | ||
- | \\ | ||
- | **II.1.1.2. A côté de l’erreur technique que n’aurait pas commise l’expert normalement prudent et diligent, la JP relève plusieurs manquements fautifs aux obligations de l’experts spécifiées dans le Code de procédure civile.** Il s’agit :\\ | ||
- | \\ | ||
- | * **des manquements des experts aux exigences fondamentales d’indépendance, | ||
- | \\ | ||
- | * **des manquements des experts aux modalités légales de leur intervention**, | ||
- | \\ | ||
- | * **des manquements à l’obligation de remplir personnellement la mission confiée** (art. 233 CPC ; autre sanction : les actes accomplis en méconnaissance de cette obligation ne peuvent valoir opérations d’expertise) ;\\ | ||
- | \\ | ||
- | * **le non-respect de la mission qui leur est confiée**, soit en en accomplissant partiellement leur mission soit en dépassant leurs pouvoirs ; dans le même ordre d’idées, le fait d’accepter une mission dépassant sa compétence : en effet, le fait de figurer sur une liste officielle d’expert n’entraîne pas l’obligation pour l’expert d’accepter n’importe quelle mission ; il lui est tout à fait possible de décliner la mission.\\ | ||
- | \\ | ||
- | On le voit, les fautes sont diverses.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **La réticence des tribunaux à admettre les fautes de l’expert** – Cependant, il semble que les juridictions ont quelques **difficultés à se départir de l’idée en vertu de laquelle condamner l’expert, c’est implicitement contester la décision du juge** (elle-même inattaquable) qui a homologué son rapport. En conséquence, | ||
- | \\ | ||
- | A cette frilosité, **s’ajoutent des difficultés plus concrètes** que les juges rencontrent lors de l’accomplissement de leur mission. En effet, il n’est pas **aisé de constater la faute d’un technicien dans un contexte où, par définition** puisqu’il a sollicité l’avis d’un expert, **le juge n’est pas compétent.**\\ | ||
- | \\ | ||
- | **II.1.2. La conception stricte de la faute** de l’expert se situe donc à contre courant du mouvement contemporain évoqué à titre liminaire d’élargissement des conditions de mise en jeu de la responsabilité civile.\\ | ||
- | \\ | ||
- | On en veut pour exemple les **erreurs fautives. Toute erreur commise par l’expert n’est pas nécessairement fautive**. Une erreur technique ou scientifique ne pourra être considérée comme une faute civile **que si elle n’aurait pas été commise par un expert normalement prudent et diligent**, de la même spécialité et placé dans les mêmes circonstances que l’expert en cause.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Ainsi, à l’occasion de la célèbre affaire de Pont-Saint-Esprit, | ||
- | \\ | ||
- | **II.1.2.1.** S’agissant de l’erreur dans le **travail matériel** (touchant les opérations matérielles de mesure, transcription, | ||
- | \\ | ||
- | Est fautif le fait de donner un avis catégorique après une analyse graphologique alors que la science ou la technique utilisée ne peut conduire à des résultats exacts ou incontestables((TGI Paris, 26 avril 1978, Gaz. Pal. 1978, 2, jur., p. 449 ; note F. Thorin.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | **II.1.2.2.** S’agissant de l’erreur dans le **travail d’analyse** (menée sur les informations recueillies), | ||
- | \\ | ||
- | Est fautif l’expert qui n’a pas pris en compte tous les éléments recueillis ou a omis d’effectuer des investigations indispensables et évidentes((Cass. 2e civ., 20 juil. 1993, n°92-11.209.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | **II.1.2.3.** S’agissant de l’erreur dans le travail de **rédaction** (erreur de saisie), par exemple, la retranscription d’un mauvais taux d’incapacité par la suite d’une erreur de dactylographie((Cass. 2e civ., 8 oct. 1986, préc. Ici la responsabilité de l’expert a été retenue (il avait mentionné par suite d’une erreur de dactylographie une incapacité permanente partielle de la victime de 30% au lieu de 3%) à l’égard de l’assureur de l’auteur de cet accident.)), | ||
- | Quand bien même la faute de l’expert serait retenue par le juge, sa responsabilité ne saurait être systématiquement accueillie. En effet, | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | == II.2 La difficile preuve des autres conditions de la responsabilité == | ||
- | \\ | ||
- | Les deux autres conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile des experts est le dommage et le lien de causalité entre la faute et ce dernier.\\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | |||
- | == II.2.1. Dommage == | ||
- | \\ | ||
- | Le succès de l’action en réparation engagée contre l’expert suppose que soit établie l’existence d’un préjudice, lequel peut revêtir différentes formes. Enfin, quelque soit la nature du préjudice, on verra que sa réparation varie selon le contexte.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **L’existence du préjudice** – L’expert ne peut être condamné à verser des dommages et intérêts au demandeur que si ce dernier justifie de l’existence et de l’étendue de son dommage. **Le préjudice peut être différent selon que l’erreur ou la faute de l’expert a été découverte avant ou après le jugement.** | ||
- | \\ | ||
- | **S’il a été découvert avant**, bien souvent c’est la **nullité** du rapport de l’expert qui sera demandée et non une action en responsabilité qui sera engagée. On peut aussi voir là la raison de la pauvreté du contentieux de la responsabilité.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **Après le jugement**, toutefois, et **s’il y a eu condamnation**, | ||
- | \\ | ||
- | **La nature du préjudice** – Le dommage imputable à la faute d’un expert est extrêmement varié lui, tout est affaire de circonstance de sorte qu’aucune généralisation ne paraît possible.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Cela étant, globalement, | ||
- | Il peut également s’agir d’un gain manqué (//lucrum cessans//). Tel est le cas de la veuve qui invoque le manque à gagner résultant d’une absence d’affiliation de son conjoint décédé à un régime de prévoyance((Argument cependant invoqué à tort, Cass. 1e civ., 28 avril 1993, préc.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Le préjudice invoqué pourrait très bien s’analyser également en une **perte de chance**. Par exemple, dans un cas où la nullité du rapport d’expertise avait fait perdre définitivement au demandeur le bénéfice des constatations techniques de l’expert eu égard à l’évolution ultérieure de l’état des matériels par réparation ou usure, c’est la perte de chance de se prévaloir d’un principe de créance qui a été indemnisée((TGI Nantes, 6 mars 1985, Gaz. Pal. 1985, 1, p. 303, note M. Caratini.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Plus rarement, le **préjudice** consiste dans la lésion d’intérêts extra patrimoniaux du demandeur. Par exemple, une juridiction a engagé la responsabilité d’un expert judiciaire pour non-restitution des pièces à une partie à un litige. Cette dernière invoquait un préjudice **moral** subi du fait de ne pouvoir « // | ||
- | \\ | ||
- | Marginalement encore, l’expert peut être responsable d’un **préjudice corporel**. Par exemple, la prescription par un chirugien-dentiste d’un appareil dangereux, lequel a perforé l’œil d’un enfant((Cass. 1e civ., 22 nov. 1994, n°92-16.423, | ||
- | \\ | ||
- | La réparation du préjudice**Gras** – De façon générale, la réparation du préjudice prend la forme de **dommages et intérêts**. Cela étant, d’autres modalités de réparation sont concevables : la réparation peut ainsi consister dans un changement d’expert((Cass. 1e civ., 16 juil. 1979, Gaz. Pal. 1980, 1, p. 3.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Lorsque la réparation prend la forme de D-I, leur montant est souverainement fixé par la juridiction saisie de l’action en responsabilité.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **L’indemnisation ne sera que partielle** si la juridiction n’a pas tenu compte de l’intégralité du rapport d’expertise. Par ailleurs, elle sera également partielle en matière de perte de chance où le principe de la réparation intégrale du préjudice n’est pas retenu.\\ | ||
- | \\ | ||
- | **Elle sera totale** si la décision du juge se range systématiquement aux conclusions de l’expert.\\ | ||
- | \\ | ||
- | Cela étant, avant d’envisager toute condamnation de l’expert à réparer le préjudice, il faut établir l’existence d’un lien causal entre l’intervention fautive de l’expert et ce préjudice.\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | II.2.2. Lien causal\\ | ||
- | \\ | ||
- | Pour la Cour de cassation, le critère du lien causal se trouve en principe exprimé dans l’enseignement constant selon lequel un rapport causal existe entre une faute et un dommage lorsqu’il peut être affirmé que, **sans la faute, le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est réalité //in concreto// | ||
- | \\ | ||
- | Conformément **au droit commun**, la responsabilité de l’expert est subordonnée à la preuve d’une relation de cause à effet entre la faute qu’il a commise et le préjudice subi par la victime((Cass. req., 2 déc. 1930, S. 1931, 1, p. 215 ; Cass. civ., 9 mars 1949, préc.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | Ainsi a-t-il très tôt été admis((T. civ. Seine, 9 fév. 1939, Gaz. Pal. 1939, 1, p. 743.)) que la responsabilité de l’expert ne peut être retenue que si :\\ | ||
- | \\ | ||
- | * **le demandeur prouve que c’est bien l’avis de l’expert qui a entraîné la décision du juge et non pas des motifs différents** ; tel ne serait pas le cas si les désordres subis par les demandeurs proviennent essentiellement d’une insuffisance de conception de la maison imputable aux constructeurs((CA Nîmes, 10 janv. 2006, comm. V. Perruchot-Triboulet.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | * et que, **en raison du caractère technique de l’expertise, | ||
- | \\ | ||
- | Si cette règle de droit commun s’applique sans difficulté à l’expert amiable, la spécificité du statut de l’expert judiciaire la **rend d’application plus délicate**. Le problème ici réside dans **la preuve du lien de causalité** entre la faute et le dommage car, la plupart du temps, **le préjudice est directement imputable à la décision rendue par le juge**, même si elle a été prise sur la base du rapport de l’expert. En conséquence, | ||
- | \\ | ||
- | La difficulté **tient à l’intervention du juge**, qui n’est pas lié par l’avis de l’expert qui l’éclaire et dès lors va « couvrir » en quelque sorte l’erreur ou la faute de l’expert. Dès lors, il semble délicat de découvrir un lien de causalité entre une faute éventuelle de l’expert et le préjudice résultant de la décision de justice. **Finalement, | ||
- | \\ | ||
- | **D’ailleurs, | ||
- | \\ | ||
- | **La Cour de cassation elle-même a parfois rejeté l’action en responsabilité de l’expert faute de lien causal**. C’est ainsi qu’elle a approuvé une cour d’appel d’avoir débouté un preneur à bail évincé, de son action en responsabilité contre l’expert judiciaire qui avait fixé le montant de l’indemnité d’éviction en fonction de la seule valeur du fonds de commerce sans tenir compte du droit au bail, au motif qu’elle a justement relevé que la cause directe du dommage invoqué se trouvait dans l’appréciation et la décision de la cour d’appel((Cass. 1e civ., 18 fév. 1997, Juris-Data, n°000731.)).\\ | ||
- | \\ | ||
- | **Pour autant, il ne faut pas en déduire hâtivement que l’expert ne peut être tenu pour responsable de rien**. En effet, l’expert judiciaire qui n’a eu à émettre qu’un avis, pourra être retenu pour responsable des conséquences dommageables du jugement aux conditions suivantes : \\ | ||
- | * le jugement est coulé en force de chose jugée ;\\ | ||
- | * la faute qu’il a commise a déterminé la décision du juge ;\\ | ||
- | * ni le juge, ni la partie lésée n’ont eu la possibilité de la déceler et donc de la rectifier au cours des débats postérieurs au dépôt du rapport.\\ | ||
- | \\ | ||
- | \\ | ||
- | == II.3. La mise en œuvre de la responsabilité dans le temps par la prescription de l’action en responsabilité | ||
- | \\ | ||
- | La réforme de la prescription en matière civile par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a déjà fait l’objet de plusieurs publications mais les modalités d’application restent à éclaircir((V. D. Lencou « la prescription de l’action en responsabilité civile contre l’expert judiciaire après la loi du 11 février 2004 modifiant la loi du 29 juin 1971 », Experts, n°69 p. 17; A.Gaillard, D. Lencou et D.Znaty : « Vers une nouvelle prescription de l’action en responsabilité civile contre l’expert », Experts, n°78 p.135 et D. Lencou « La réduction à cinq ans de la durée de la prescription de l’action en responsabilité civile contre l’expert judiciaire » Experts, n° 79 p.10)). \\ | ||
- | \\ | ||
- | Après avoir entendu les représentants des experts de justice, qui souhaitaient la modification de l’article 6-3 de la loi du 29 juin 1971 qui disposait que « // | ||
- | \\ | ||
- | La prescription consiste…\\ | ||
- | \\ | ||
- | Il ne faut pas perdre de vue que e délai de droit commun de la prescription extinctive doit constituer un juste équilibre ; il ne doit pas être trop long pour assurer la sécurité sans entraver le commerce juridique, qui doit rester conforme aux progrès technologiques (des transports et des moyens de télécommunication) et permettre de réduire le coût de conservation des preuves. Il ne doit pas être trop court pour éviter les injustices et le jugement moral de récompense d’un comportement fautif. \\ | ||
- | \\ | ||
- | L’application du droit commun peut constituer une simplification de notre droit et des contraintes qui pèseront sur les experts de justice dans le temps mais pose des difficultés en terme de définition du point de départ et de computation des délais.\\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | == II.3.1. Le point de départ == | ||
- | \\ | ||
- | L’article 2224 du Code civil fixe le point de départ du délai de prescription au « //**jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits**// » lui permettant d’exercer l’action en justice. Le point de départ de la prescription n’est pas très facile à cerner et posera des difficultés aux experts pour savoir quand ils seront définitivement libérés du fardeau de la preuve de l’accomplissement de leurs diligences.\\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | == II.3.1.1. Le point de départ « glissant » == | ||
- | \\ | ||
- | * __La définition du point de départ « glissant »__ est conforme à l’article 2234 du Code civil et reprend la jurisprudence selon laquelle la prescription ne court pas tant que le créancier ignore l’existence ou l’étendue de la créance ou se trouve dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Cette définition laisse une grande marge d’appréciation au juge pour fixer le point de départ du délai permettant au créancier d’exercer l’action en justice.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * __L’application aux experts du point de départ « glissant »__ pose la question de savoir à partir de quel moment une personne, qui pourrait se plaindre des agissements d’un expert, aurait connaissance d’un éventuel droit à réparation dans le cadre d’une action en responsabilité civile.\\ | ||
- | \\ | ||
- | La réponse à cette question n’est pas simple et avant d’essayer d’y répondre il convient de rappeler que toute personne qui pourrait subir un préjudice qui trouverait son origine dans l’accomplissement de sa mission par un expert pourrait engager une action en responsabilité dans les conditions de droit commun. __**Désormais, | ||
- | \\ | ||
- | * **En matière civile**, avant la loi du 17 juin 2008, la plupart des experts considéraient, | ||
- | \\ | ||
- | Sur le fondement de l’article 173 du Code de procédure civile, **la notification d’une copie du rapport à chaque partie permettra de faire courir le délai de cinq ans** dans les conditions de l’article 2224 du Code civil et la principale difficulté de détermination du point de départ se rencontrera en l’absence de dépôt de rapport par l’expert lorsque la communication sera effectuée par les greffes comme en matière pénale.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * **En matière pénale**, conformément à l’article 167 du Code de procédure pénale, c’est le juge d’instruction qui donne connaissance des conclusions des experts et la difficulté pourra provenir de la connaissance par l’expert du jour de la notification. Afin de leur permettre de déterminer avec précision le jour où les parties auront eu connaissance de leur avis, les experts pourront demander au juge d’instruction l’autorisation de communiquer les conclusions de leur rapport aux officiers de police judiciaire chargés de l’exécution de la commission rogatoire, au procureur de la République ou aux avocats des parties. Si le juge ne l’estime pas opportun les experts auront la faculté de lui demander la date de la notification aux parties. \\ | ||
- | \\ | ||
- | * **En matière administrative**, | ||
- | - Si l’assignation vise l’expert collaborateur du service public pour faute personnelle devant les tribunaux judiciaires, | ||
- | - Si l’assignation vise l’Etat devant les tribunaux administratifs, | ||
- | \\ | ||
- | Qu’il s’agisse de prescription de cinq ans ou de déchéance de quatre ans le point de départ du délai est toujours la connaissance par l’éventuelle victime des faits à l’origine de son préjudice et l’article R.621-9 du Code de justice administrative sera particulièrement bien accueillie par les experts qui disposeront du moyen de connaître avec précision la date de la connaissance par les parties de leur avis.\\ | ||
- | \\ | ||
- | A priori **__le délai devrait démarrer dès la notification du rapport__** effectuée en matière civile conformément à l’article 173 du Code de procédure civile et en matière administrative dans les conditions de l’article R. 621-9 du Code de justice administrative. En matière pénale, il paraît opportun de prendre toute mesure pour savoir quand les parties ont eu communication de l’avis de l’expert. En tout état de cause les rares difficultés qui seront rencontrées seront compensées par la règle du délai butoir.\\ | ||
- | \\ | ||
- | == II.3.1.2. Le délai butoir == | ||
- | \\ | ||
- | Innovation majeure conduisant à la déchéance du droit d’agir au bout d’un certain temps, l’article 2232 du Code civil instaure un délai butoir de 20 ans à partir du jour de la naissance du droit. | ||
- | \\ | ||
- | == II.3.2. La computation du délai == | ||
- | \\ | ||
- | La durée de cinq ans à compter du dépôt du rapport et la notification aux parties mérite quelques précisions en matière de décompte du délai et entraîne des conséquences pratiques qui ne peuvent être négligées.\\ | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | |||
- | |||
- | |||
- | == II.3.2.1 – Les difficultés de décompte du délai. == | ||
- | \\ | ||
- | Détaillé aux articles 640 à 647 du Code de procédure civile et aux articles 2228 et 2229 du Code civil, le principe de computation semble simple puisque, selon les articles 2228 et suivants du Code civil, la prescription se compte par jours, et non par heures. Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. Cependant, les circonstances de chaque espèce peuvent entraîner des difficultés et les innovations majeures de la loi ont trait aux incidents qui peuvent perturber le cours de la prescription pour la suspendre ou l’interrompre.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * **La suspension**, | ||
- | \\ | ||
- | - __Les anciennes causes de la suspension__ tendaient à protéger les incapables et sont confirmées dans le nouvel article 2235 du Code civil. Il convient de se poser la question de savoir si les experts qui devront donner un avis sur des situations concernant des mineurs ou des incapables pourraient voir le délai de prescription interrompu jusqu’au moment où ces derniers seraient en mesure de faire valoir leurs droits ? Ce pourrait être le cas de violences sur des nourrissons pour lesquels un juge demanderait l’avis d’un expert. Avant la loi du 17 juin 2008 le délai de prescription de dix ans débutait à la majorité de l’enfant ce qui pouvait prolonger le délai à 28 ans après le dépôt du rapport. La combinaison de l’article 2235 du Code civil, sur la protection des mineurs, et la règle du délai butoir prévue à l’article 2232 devrait limiter ce délai à 20 ans à compter des faits.\\ | ||
- | \\ | ||
- | - __Les nouvelles causes de la suspension__ résultent d’un empêchement résultant de la loi, d’une convention ou de la force majeure ainsi que de celles qui concernent la négociation et la demande de mesures d’instruction.\\ | ||
- | \\ | ||
- | --> L’article 2234 du Code civil dispose que « //La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure// ». Ainsi, **chaque expert devra apprécier chaque situation pour décider de conserver ses archives lorsque la prescription pourrait être suspendue.**\\ | ||
- | \\ | ||
- | Il est indiscutable que le point de départ du délai de prescription pour une personne qui dispose de la pleine capacité juridique est la notification du rapport. | ||
- | \\ | ||
- | --> Le législateur a voulu favoriser **les mesures d’instruction in futurum** par l’article 2239 du Code civil. Il s’agit de l’application de l’article 145 du Code de procédure civile, qui prévoit la possibilité, | ||
- | Le législateur aurait pu choisir l’interruption plutôt que la suspension dans la mesure où il y a bien le réveil du titulaire d’un droit, mais il faut reconnaître que la frontière est difficile à cerner.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * **L’interruption**, | ||
- | \\ | ||
- | - L’article 2241 du Code civil dispose que « //la **demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription** ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure// | ||
- | \\ | ||
- | - L’article 2242 du Code civil dispose que « // | ||
- | \\ | ||
- | - L’article 2243 du Code civil dispose que «// l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, | ||
- | \\ | ||
- | |||
- | == II.3.2.2 - les conséquences pratiques : == | ||
- | \\ | ||
- | L’abrogation de l’article 6-3 et l’application des dispositions de droit commun vont entraîner pour les experts un allégement de la durée de conservation des preuves de leurs diligences mais il convient de cerner les règles de droit transitoire avant de procéder à la computation des délais.\\ | ||
- | \\ | ||
- | * **Le droit transitoire** | ||
- | \\ | ||
- | L’article 2 du Code civil a fixé le principe d’ordre public de non rétroactivité des lois à laquelle la réforme de la prescription ne peut déroger.\\ | ||
- | \\ | ||
- | --> Selon l’article 2 du Code civil, « //la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif// | ||
- | \\ | ||
- | --> La loi du 17 juin 2008 consacre deux textes au droit transitoire qui ne semblent pas déroger au principe de non rétroactivité des lois. L’article 2222 du Code civil dispose dans son alinéa 2 « …//En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, **ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle**, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». Le II de l’article 26 de la loi selon lequel « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription **s’appliquent __aux prescriptions__ à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi,** sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure », vient rajouter que la réduction de durée s’applique **« __aux prescriptions__ »**, ce qui concerne les missions achevées et non prescrites avant le 19 juin 2008. Ainsi, la loi consacre la jurisprudence constante selon laquelle **toute loi nouvelle s' | ||
- | \\ | ||
- | * Exemples pratiques :\\ | ||
- | \\ | ||
- | Puisque les lois réduisant le délai de prescription s’appliquent aux prescriptions en cours, la prescription réduite ne commence à courir que du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et il convient de proposer le tableau suivant, établi selon les préconisations de la lettre du 21 juillet 2004 et de la jurisprudence de la Cour de cassation qui précise qu’ « //en l’absence d’une volonté contraire, expressément affirmée, la loi ne peut produire effet que pour l’avenir, et que spécialement, | ||
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