Or, de plus en plus, «site» sert à qualifier un endroit quelconque. Site signifie littéralement quelque chose de noble, de remarquable, mais on n’hésite pas à l’employer dans le sens de lieu, d’endroit, sans se préoccuper de la qualité de l’environnement. On dira volontiers le site d’une inondation, d’un éboulement, voire d’une déjection. Je vois là le besoin atavique de notre époque de rabaisser, de mettre tout sur le même pied, d’employer le même mot pour qualifier ce qui est extraordinaire, sculpté par la nature ou le génie de l’homme, et ce qui est bas et répugnant. C’est l’équarrissage pour tous: les cheveux qu’on abat doivent se sentir réconfortés dans leurs derniers instants de savoir qu’ils se passent dans le «site» d’un abattoir. Quand Louis XIV édifie le château de Versailles, il ne l’établit pas dans le site d’une décharge publique. Il lui faut des arbres (forêt, haute maison des oiseaux bocagés, comme dirait Ronsart). Il lui faut quelque chose de grand pour construire quelque chose de grand: un site en somme, et non pas un lieu dit, un trou, et le génie de l’homme et celui de la nature se confondent. C’est là le sens propre du mot site. | Or, de plus en plus, «site» sert à qualifier un endroit quelconque. Site signifie littéralement quelque chose de noble, de remarquable, mais on n’hésite pas à l’employer dans le sens de lieu, d’endroit, sans se préoccuper de la qualité de l’environnement. On dira volontiers le site d’une inondation, d’un éboulement, voire d’une déjection. Je vois là le besoin atavique de notre époque de rabaisser, de mettre tout sur le même pied, d’employer le même mot pour qualifier ce qui est extraordinaire, sculpté par la nature ou le génie de l’homme, et ce qui est bas et répugnant. C’est l’équarrissage pour tous: les cheveux qu’on abat doivent se sentir réconfortés dans leurs derniers instants de savoir qu’ils se passent dans le «site» d’un abattoir. Quand Louis XIV édifie le château de Versailles, il ne l’établit pas dans le site d’une décharge publique. Il lui faut des arbres (forêt, haute maison des oiseaux bocagés, comme dirait Ronsart). Il lui faut quelque chose de grand pour construire quelque chose de grand: un site en somme, et non pas un lieu dit, un trou, et le génie de l’homme et celui de la nature se confondent. C’est là le sens propre du mot site. |