Voici l’amorce de ce qui voudrait être une sorte de « billet (1) », qui pourrait se prolonger dans le temps et avec d’autres, à moins qu’il ne se transforme en « billot »…

Ce serait, de façon brève et concise, une invitation à « aller voir », à « lire », en partageant une émotion ou un enthousiasme, mêlant tout à la fois raison et passion. Ce « billet » est le premier, aussi est-il un peu long, je ferai plus concis pour les prochains.

Ce pourrait être à propos d’un « bâtiment » (architecture) ou d’une « ville » (urbanisme) à la suite d’un voyage, ce pourrait être à propos d’une « exposition » (peinture, sculpture…), ou à la suite d’une « lecture » (littérature), ou de la découverte d’une « saveur délicate » (gastronomie), ce pourrait être un peu de tout, ce pourrait être à la fois simple et compliqué, à la fois modeste et prétentieux…

Je lance la première pierre, et pas à la tête de n’importe qui : à tout seigneur tout honneur, la première livraison de ce « billet » se pose sur le cas de Le Corbusier, et de sa prime jeunesse. Vient de paraître aux éditions du Linteau un album de bandes dessinées (1) intitulé « L’enfance d’un architecte, les premiers 38% de la vie de Le Corbusier » . La mise en page est recherchée, le dessin soigné et l’atmosphère peut faire penser à celle dégagée par les œuvres de Georgio de Chirico (2), traits cernés du dessin, couleurs fauves, perspectives fuyant le réel pour un imaginaire idéalisé…

On y voit un LC (nom emprunté à sa mère) naissant sous la peau du jeune Charles-Edouard, un bourreau de travail, un idéaliste exalté, un passionné courant l’Europe et assoiffé de savoir, un « feu follet » que son professeur et mentor, Charles L’Eplattenier, verra peu à peu lui échapper. Ce jeune homme fougueux et « non conventionnel » frôlera avec les idées extrêmes de cette époque d’entre deux guerres, oscillant dangereusement entre socialisme et nationalisme. Plus tard, évoquant l’année 1941 pendant laquelle Le Corbusier arpentait les couloirs du ministère de la Reconstruction avec ses plans sous le bras de « cité idéale », Jean Prouvé déclarait (3) : « La position de LC à cette époque m’a un peu étonné : il s’est précipité pour aller voir le gouvernement de Vichy. LC aurait fait ses pilotis partout pour montrer qu’il fallait faire des pilotis ! Tous les moyens étaient bons. Remarquez, il s’est fait virer de Vichy, ça a été vite fait » … Mais nous reparlerons de tout ça une prochaine fois, et notamment en évoquant la correspondance passionnante de LC avec ses « maîtres ».

Nous lierons (et lirons) la rigueur toute « luthérienne » de LC avec les saveurs succulentes du saumon fumé de « l’atelier du saumon » (4), elles titillent les papilles et dérident les fâcheux, comme dans le film « le festin de Babeth ».

(1) « L’enfance d’un architecte, les premiers 38% de la vie de Le Corbusier » Editions du Linteau.

Une exposition des dessins de cet album a lieu jusqu’au 28 mars à l’école d’architecture Paris-Malaquais, 1 rue Jacques Callot Paris 6ème.

(2) Exposition Georgio de Chirico, musée d’art moderne de la ville de Paris, 11 avenue du Pt Wilson à Paris 16ème, jusqu’au 24 mai

(3) « Jean Prouvé par lui-même », propos recueillis par Armelle Lavalou, Editions du Linteau

(4) «L’atelier du saumon » 11 rue de la Charronnerie à Saint Denis (93200), tél/fax 01 49 22 06 13, atelierdusaumon@gmail.com. Le « fumeur » de saumon Laurent Leymonie opère dans son atelier, livraison à domicile possible.

NB : Editions du Linteau- 52 rue de Douai à Paris 9ème , téléphone 01 48 78 20 71, linteau@wanadoo.fr, www.editions-linteau.com (distribution des publications par la librairie Picard, 82 rue Bonaparte à Paris 6ème). Je parlerai une autre fois de cette excellente maison d’édition couronnée par l’Académie d’architecture en 1997.

Vincent B. du Chazaud