BILLET n°189 – ÉCOLE NATIONALE DE MUSIQUE ET DE DANSE DE MONTREUIL (3/3)

Ce procédé était à l’époque de la construction du Conservatoire, relativement peu utilisé: l’immeuble US-Steel-Corporation de 64 étages à usage de bureaux à Pittsburgh aux Etats-Unis fut le premier au monde à appliquer cette technique de protection au feu, puis un autre, l’immeuble Mannesmann à Dusseldorf en Allemagne. En France, les constructions utilisant ce procédé restent expérimentales, ainsi en 1967 un immeuble de 7 niveaux à usage de bureaux pour l’UAP à Marseille, et en 1970 la reprise en sous-œuvre d’une façade au 127 avenue des Champs-Elysées à Paris pour remplacer des pilastres en pierre de taille (compagnie d’assurances l’Abeille et SNCF). La société Durafour, détentrice du brevet Multin, réalisera en 1974 l’irrigation de la charpente d’un centre administratif pour l’EDF à Cergy-Pontoise.

Le chantier ayant démarré en 1972, l’ENMD serait la troisième réalisation de ce type en France, ce qui a suscité quelques réserves de la part du Maître d’ouvrage, ainsi que de la commission de sécurité, qui ont réclamé des garanties et des preuves longues et coûteuses à apporter, pour l’entreprise Durafour titulaire du lot de structure métallique et pour l’architecte. Après avis favorable du Service National de la Protection Civile du ministère de l’Intérieur en date du 19 mai 1971 et établissant un cahier des charges pour le contrôle de la corrosion intérieure de la charpente métallique, le procédé a obtenu l’accord de la Délégation Permanente de la Commission Centrale de Sécurité à l’issue d’une réunion tenue le 30 novembre 1971.

L’ensemble de la construction forme un tout rempli d’eau stagnante. Le chauffage de l’eau par l’incendie à travers les parois des poutres et des poteaux produit un mouvement de convection qui transporte les calories vers les parties restées en dehors de l’incendie où elles se perdent dans l’atmosphère. Ce mouvement de l’eau à l’intérieur des structures maintient la température du métal dans les limites de sécurité.

Par leur forme particulière, et par leur exigence phonique, les coques ont fait l’objet de plusieurs recherches. Les solutions « béton allégé », « soufre expansé » et « plâtre » ont été assez vite écartées pour des questions de mise en œuvre, de poids et de stabilité dans le temps. La solution « matériaux plastiques » a longuement été étudiée (la société Durafour fabriquait alors les premières piscines TOURNESOL, revêtues de coques en polyester armé), mais elle fut finalement écartée à cause des incertitudes quant à sa tenue au feu. La solution « métallique légère » a été la technique retenue, car présentant le maximum de garanties. Ensuite dans le choix des différentes solutions qui allaient de l’acier Corten (préconisée par l’architecte) à une tôle ordinaire protégée par un revêtement de résine assurant l’étanchéité, l’Hypalon, c’est cette dernière variante qui l’a finalement emporté (la maîtrise d’ouvrage n’était pas favorable à l’aspect de l’acier Corten, lui trouvant un aspect pauvre et pas fini: voir courrier du 10 mai 1972 de Léon Nerville, directeur du Conservatoire). Ces coques sont réalisées en éléments métalliques autoporteurs en trois parties distinctes: un élément plancher et deux demi-coquilles, réalisés en tôles cintrées de 30/10. La fabrication des 14 coques a demandé  8000 heures de travail…

Le choix de ce site a engendré des contraintes importantes : les travaux ont été réalisés sur une emprise très réduite (la superficie d’assiette pour ce programme culturel est de 500 m2 environ), en superstructure de locaux déjà programmés et en service (sous-sol de locaux de stockage pour les commerces), et partiellement sur l’emprise d’infrastructures anciennes conservées (sous-sol de locaux techniques pour la climatisation).

A toutes ces contraintes se sont ajoutées celles dues à l’échelonnement des constructions, ainsi que celles dues aux difficultés d’accès pour les véhicules de secours et de livraison.

Vincent du Chazaud, le 6 février 2024