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Norme

emprunté au latin NORMA «Equerre». D’où l’expression «mettre à l’équerre». On peut, certes remonter au XIIe siècle pour trouver ce mot, mais il demeurera rare jusqu’au XIXe siècle.


LA PORTEE JURIDIQUE DES NORMES par Maître LARRIEU

La norme est un document de référence, utilisé dans les contrats, la réglementation, le règlement des contentieux. Qu'en est-il de sa portée juridique ?

En prolongement du débat de l'assemblée générale de l'UNM en juin 2006, qui? sous le thème “Quand la norme s'intègre à la stratégie d'entreprise”, avait abordé la question de l'impact juridique des normes, les partenaires de l'UNM ont été invités à approfondir cette problématique complexe. Plus de 50 personnes ont ainsi pu échanger le 4 avril dernier avec Anne Penneau, professeur de droit privé à l'université de Lille 2 et Franck Gambelli, directeur du pôle juridique de la Fédération des Industries Mécaniques.

Normes et sources du droit : La portée juridique des normes n'est pas développée dans les textes ; en d'autres termes, la façon dont les normes entrent dans le champ juridique n'est pas reflétée dans les sources du droit, sauf dans le cas particulier où norme et règlement sont assimilés. La normalisation s'est développée en dehors de la réglementation pour des raisons institutionnelles : la méthode réglementaire n'est pas adaptée à la normalisation, qui consiste à formaliser des règles de la pratique (règles de l'art) ; toutefois la normalisation ayant des répercussions sur l'économie nationale, elle s'exerce sous contrôle de l'état. C'est ainsi que le décret de 1941 fixe le statut de la normalisation : AFNOR, organisme de droit privé, est créé par le législateur avec un objet spécifique : la mission de service public de la normalisation ; l'état a un droit de regard sur le programme de normalisation et la production des normes homologuées (résultat à cette époque d'arrêtés ministériels). Les conditions de création des normes techniques sont fixées par le décret : pluri-représentativité des instances, pour garantir que la norme est le fruit d'un consensus et enquête publique donnant à chacun la possibilité de se manifester.

Caractère contraignant des normes techniques : les normes relèvent des règles du droit commun : elles sont élaborées par une entité de droit privé avec mission de service public mais sans délégation de pouvoir réglementaire. L'officialisation des normes par voie d'arrêté ne leur confère pas de caractère obligatoire (à noter que depuis 1984, l'homologation des normes a été transférée à AFNOR, ce qui évite toute confusion entre norme et texte réglementaire). L'application des normes n'est donc pas obligatoire, sauf en cas de renvoi explicite à une norme dans la réglementation. En ce qui concerne la norme et les marchés publics, c'est la référence aux normes qui est obligatoire (noter que les évolutions du décret intervenues en 2006 n'ont pas apporté de changement radical sur ce point, mais ont eu pour objet de prendre en compte les évolutions du droit positif). Cette référence aux normes constitue une précaution pour les marchés publics, permettant de se prémunir des appels d'offres discriminatoires, mais il est toujours possible de répondre en présentant des solutions équivalentes. Au titre de la liberté contractuelle, un contrat, qui devient la loi des parties, peut se référer aux normes. Cette citation n'est toutefois pas une exonération complète de responsabilité. Le professionnel doit faire preuve d'un comportement diligent conforme aux règles de l'art, qui peuvent demander davantage que le simple respect de la norme. Par ailleurs, il faut être exigeant sur le sérieux du renvoi aux normes dans les contrats : éviter les citations “ rituelles ”, et donner la raison précise de la citation pour rester dans l'intention des parties. Les normes de vocabulaire et de méthodes de mesure, sur lesquelles reposent la loyauté des transactions sont “ quasi-obligatoires ” : elles fixent le langage vis-à-vis de client final, ou permettent d'apprécier le dépassement d'un seuil.

Recherche de responsabilité : le juge recherche le “” pour apprécier la responsabilité. Il cherche un appui technique dans l'argumentaire des parties et peut faire intervenir un expert. Quand il existe une norme sur le sujet, c'est un instrument précieux dans la technique judiciaire du “faisceau d'indices”. La démarche de recherche de connaissance s'appuiera également sur les autres textes disponibles (codes professionnels, travaux scientifiques, publications). Ne rechercher que l'appui de la norme peut être contestable. Lorsque le juge se réfère à une norme dans sa décision, il la qualifie toujours comme “reflétant les règles de l'art”. Normalisation et brevet : la normalisation n'est pas l'occasion d'anéantir les droits de propriété intellectuelle. Si l'on est obligé de recourir à des éléments brevetés dans une norme, il faut obtenir une concession du brevet. Noter par contre que le transfert du savoir-faire dans une norme n'est pas récupérable (car non protégé). Défectuosité de la norme : cette défectuosité peut concerner soit la non-conformité aux règles de l'art, soit le non-respect de la propriété industrielle.Pour le metteur en œuvre (fabricant) le respect de la norme n'est pas exonérateur de responsabilité, et cela d'autant plus que la norme est facultative : le fabricant a tout loisir de l'écarter. Toutefois, sauf en cas de contradiction flagrante entre norme et règle de l'art, le respect volontaire de la norme plaide en faveur de la bonne foi et de la diligence du fabricant. Qu'en est-il de la responsabilité de l'organisme de normalisation ? Cette question reste prospective, en l'absence de jurisprudence. D'un point de vue théorique, il faudrait prouver le lien entre l'effet dommageable et le texte. L'approche est différente pour les documents, autres que les normes, produits par les organismes de normalisation, car dans ce cas, les organismes fournissent une prestation volontaire, et on pourrait leur reprocher un manquement à leur obligation de conseil. Concernant les experts, qui peuvent être identifiés, il faut rappeler que la norme est un texte collectif, et la mise en cause de tel ou tel expert nécessiterait de démontrer son influence pour provoquer la défectuosité de la norme (comme par exemple une fausse information sur l'inexistence d'un brevet). La responsabilité de l'ensemble des membres d'une commission pourrait être recherchée en cas de non-prise en compte d'un commentaire pertinent et correctement documenté en réponse à l'enquête publique.La responsabilité de l'état qui délègue une mission de service public pourrait être mise en cause sous l'angle de la mauvaise organisation du service (en cas de retard de publication par exemple). Accès aux normes : la connaissance du droit doit être accessible gratuitement. Une norme rendue d'application obligatoire devenant un texte d'incrimination pénale, tous les principes de publicité doivent être respectés, faute de quoi le texte pourrait devenir inopposable. La situation est différente pour les normes auxquelles la réglementation fait un renvoi facultatif (présomption de conformité). La question est de savoir si la possibilité de consultation gratuite des normes dans toutes les délégations régionales d'AFNOR répond au principe de publicité : permet-elle de prendre connaissance de cet élément complexe qu'est la norme ? Une autre difficulté réside dans l'obtention des normes citées dans les contrats : tout professionnel doit connaître les normes “cœur de métier”, mais on ne peut pas imaginer qu'il dispose de toutes les normes périphériques. Que la norme soit un objet de commercialisation n'est pas contesté : elle constitue un travail expertal, de partage des connaissances. Ce savoir est protégé par un copyright, qui ne doit pas exclure la reproduction pour des ouvrages privés. Dans la jurisprudence Lyonnaise des Eaux, le juge a considéré que la Lyonnaise n'ayant pas transmis la norme au fournisseur, celle-ci n'était pas opposable.

Normes d'organisation et normes sociétales : les premières s'intéressent au process en vue de la performance de l'entité ; les secondes visent à faire rentrer dans les préoccupations d'organisation et de gestion d'une entreprise des questions qui relèvent de l'intérêt général (emploi ou environnement par exemple). Lorsque ces normes sont développées à l'ISO, la première interrogation concerne leur mode de production : quelle assurance sur les procédures d'élaboration des normes qui sont “auto-proclamées” par l'organisme lui-même, sans réel contrôle des états ? En outre ; d'un point de vue juriste, quelle est la personne morale “ISO” ? La deuxième préoccupation concerne la nature des objets à normaliser. Quand la normalisation concerne les produits, tout est vérifiable avec des objectifs de compatibilité, standardisation, économie, qualité, etc. Les normes d'organisation concernent des objets très différents. Il existe des modèles bien sûr, mais les argumentations sur lesquelles ils reposent ne sont pas confrontables à la réalité. Les critères de la norme sont donc plus difficiles à trouver, et on sait que certains modèles sont en faillite. Les organismes de normalisation peuvent-ils alors exercer un contrôle suffisant ? La légitimité de ce type de norme pose question au juriste, y-compris sur le plan constitutionnel. Si elles relèvent d'une mission de service public, la délégation est possible. Mais peut-on déléguer, par exemple, l'évaluation des compétences ? Un organisme de normalisation est-il la structure adéquate pour gérer des problématiques telles que l'emploi d'une région ? Que le marché privé s'investisse sur ces domaines, pourquoi pas, mais l'institutionnel doit-il s'exposer au simple jeu du marché ? Les normes sociétales démultiplient la loi et la contrainte et sont incontrôlables. L'entreprise n'est pas demandeuse de ces normes auxquelles est attachée une dimension idéologique

norme.txt · Dernière modification: 2020/05/11 16:30 (modification externe)